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Souveraineté numérique : Tout commence avec les données (JC.Lalanne - Cigref)



Le Cigref travaille depuis longtemps sur la question de la souveraineté numérique. Plusieurs de ses membres s'impliquent activement dans l'initiative Gaia-X et dans les travaux de la Commission européenne. Jean-Christophe Lalanne, vice-président du Cigref et également EVP CIO du Groupe Air France-KLM, explique pourquoi ce sujet de la souveraineté est essentiel pour les grandes organisations européennes et détaille les enjeux associés.


Le Cigref est un réseau de grandes entreprises et d'administrations publiques françaises, dont la mission est d'aider ses membres à réussir le numérique. À ce titre, il s'intéresse depuis longtemps à la souveraineté numérique, un sujet stratégique pour beaucoup d'organisations. Pour Jean-Christophe Lalanne, vice-président du Cigref et également EVP CIO du Groupe Air France-KLM, les véritables enjeux ne portent pas sur la construction d'un cloud ou d'infrastructures européennes. Selon lui, si les entreprises se saisissent du sujet, c'est avant tout à travers le prisme de la donnée. « Quand on parle de souveraineté, on parle avant tout de data. C'est de là qu'il faut partir pour comprendre les enjeux. Il faut comprendre quelle est la problématique, ce que l'on cherche à résoudre en termes business, et après seulement on peut aborder le comment. » Pour le vice-président du Cigref, des initiatives comme Gaia-X visent bien davantage à saisir des opportunités qu'à résoudre un problème. « Nous entrons dans l'ère de la data transformation, dans l'économie de la donnée. Nous avons tous à gagner à partager les données, en prenant toutes les précautions nécessaires : par exemple, dans le cadre de la crise sanitaire que nous vivons, le partage des données sur la maladie permet à la recherche et aux médecins de progresser. »


Dans ce contexte, les entreprises prennent conscience de la puissance des données dont elles disposent. « Nous avons des équipements qui regorgent de données. Dans le cas d'Air France KLM, il s'agit par exemple des avions, mais cela peut être des trains, des installations électriques, des voitures... », observe Jean-Christophe Lalanne. « Ces données, où les mettre ? Comment les gouverner, s'assurer qu'elles ne sont pas soumises à des législations étrangères ? D'un point de vue géopolitique, le monde cyber est fragile. Les données sont un nouveau carburant, facile à piller. Il faut se protéger contre la spoliation et le détournement de nos richesses par d'autres puissances économiques », estime le vice-président du Cigref. La multiplication des données soulève également des enjeux d'ordre environnemental. « Si chacun stocke et traite les données dans son coin, la richesse potentielle est moindre, la quantité de CO² générée augmente et les infrastructures ne sont pas rationalisées. Par ailleurs, pour traiter les problématiques liées à l'environnement, il va falloir partager rapidement beaucoup de données », ajoute-t-il.


Une fédération de services et d'infrastructures autour des données


Pour répondre à ces enjeux, à la fois économiques, environnementaux et géopolitiques, le Cigref considère qu'il est souhaitable de mettre en place des services de partage des données mutualisés, le tout à l'échelon européen. C'est guidé par cette conviction que le réseau d'entreprises a rapidement apporté son soutien à l'initiative Gaia-X, lancée en 2019. « Gaia-X n'est pas un cloud européen, contrairement à ce qui a souvent été dit », affirme Jean-Christophe Lalanne. « C'est un ensemble de règles et de principes de gouvernance à mettre en place, avec des espaces par secteur (santé, industrie...). Le but est de construire des plateformes business, qui offrent un ensemble de services autour des données, tout en respectant les règles établies par l'Union européenne, comme le RGPD. Peut-être même que les grands acteurs américains peuvent y apporter leur contribution », ajoute-t-il. (NDLR - les grands fournisseurs de cloud américains et chinois ont en effet récemment rejoint le projet, de même que des éditeurs comme Salesforce.) Pour le secteur du transport aérien, il s'agirait par exemple de mettre des données issues de centaines d'heures de vol à la disposition de différents acteurs, en temps réel et avec toute la sécurité requise, afin de permettre à l'écosystème de proposer des services autour de ces données tout en ne stockant celles-ci qu'une seule fois. Comme le souligne le vice-président du Cigref, « Gaia-X n'est pas une centralisation, mais une fédération d'infrastructures de données. Cela signifie que je peux avoir mes données sur mon cloud privé tout en étant conforme à Gaia-X, afin de les exposer. »


Les 22 organisations fondatrices ont rapidement été rejointes par d'autres, et plusieurs pays sont aujourd'hui représentés. « Il y a des espaces de données à concevoir, avec des sponsors pour chaque domaine », indique Jean-Christophe Lalanne. L'ambition est de taille, mais le programme progresse toutefois à un bon rythme. « Les règles de gouvernance commencent à être établies. Nous allons sans doute voir les premiers Proof of Concept dès 2021 », estime-t-il.


Le Cigref s'est engagé très tôt dans l'initiative, participant aux travaux préparatoires. « Il s'agit de construire des services qui peuvent nous simplifier la vie, autour de la traçabilité, de l'interopérabilité, de la sécurité des données. Gaia-X nous offre la possibilité d'être partie prenante dans la construction de ces standards », apprécie le vice-président de l'association. S'il reconnait que le Cigref s'est montré dubitatif par le passé sur certaines initiatives autour de la souveraineté, il souligne cette fois-ci que les membres du réseau ont « envie d'y croire ». Des organisations comme EDF, Air France-KLM, Safran et Airbus se sont d'ailleurs déjà investies dans le programme. Le fait que le projet soit porté par des acteurs comme Hubert Tardieu, le concepteur de Merise, le soutien apporté par la Commission européenne vont selon Jean-Christophe Lalanne dans la bonne direction. « Les États-Unis, la Chine ont une force de frappe gigantesque à cause de leurs marchés intérieurs. En Europe ce n'est pas le cas. Amazon, Google, Microsoft sont d'abord des entreprises américaines, avec une culture d'hégémonie. La culture européenne est différente, parfois plus fragmentée, mais nous essayons d'aller vers un modèle de fédération. » Un « rassemblement de bonnes volontés » qui a plus de valeur que de rester seuls. « Nous n'avons rien à perdre. Il faut y aller vite, et il faut le faire à un niveau d'abstraction supérieur, qui est celui des données », conclut Jean-Christophe Lalanne.

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